On en a bavés là
Un bord de mer, une route qui part vers l'ouest, qui monte en lacets, ces lacets n'en finissent pas, des forêts de pins laricio, des truies sauvages défoncent les abords des routes à la recherche de glands, la route continue de tourner, les rares bars, snacks ou restos sont fermés, comme partout en France, on continue de monter, une falaise, puis deux, puis des centaines arrondissent et percent le paysage, elles s'offrent toutes à nous avec ombres et lumières, au gré des nuages capricieux de cette fin de décembre, quand la lumière faible et douce tombe sur ces faces verticales, c'est de l'ocre qui imprime nos cônes et nos bâtonnets, magique est le jour, les lacets s'enchainent, on passe la bocca di Larone, petit col qui préfigure une légère descente dans une autre forêt de pins, puis c'est la montée finale, la température passe à 9, 8 puis 6 degrés, l'asphalte est humide, encore des lacets, puis arrive la brume, on touche au but, encore plus épaisse devient la brume, il est midi et voici le col de Bavella.
1. Depuis la côte est de l'île, descendre vers Solenzara, puis partir vers les montagnes pour Bavella 2. Un arbre remarquable qui pousse entre deux menhirs en montant à Bavella 3. Le col et sa vierge, et non l'inverse
Si vous pratiquez l’escalade un tant soit peu, il y a deux lieux magiques sur terre, où vous devez poser vos chaussons: le Yosemite en Californie et Bavella. Ce sont deux royaumes du granite, et le granite, côté adhérence, c’est un truc de malade. Avant de le toucher, on doit suivre un sentier qui part derrière la statue de la vierge. ok, mais où est la vierge? Juste à 20m de nous, mais avec la brume, on la distingue à peine. Le programme du jour était grimpe en falaise. Il fait brouillard et 6 degrés, est-ce bien raisonnable de se faire du mal en vacances? Mais voilà, c'est Bavella et c'est magique, alors on y va quand même. Bien sur, personne autour de nous. Ni les corses, ni les touristes sont fous pour grimper à Bavella le 23 décembre. Après avoir passé la vierge, ce sont trente minutes de marche sur un sentier défoncé par les cochons, et surtout pas très bien indiqué. On trouve la fameuse paroi de Punta Macao, avec la voie Aïoli bar de 3 longueurs, mais nous n'en ferons qu'une.
4. Voilà du taffoni, petits, grands, profonds, arrondis, tranchants; comme la mûle en serpent, l'essayer, c'est l'adopter 5. Relai des brumes 6. Le grain du granite est fait d'aspérités qui servent toutes à quelque chose pour le grimpeur, on pose, on appuie, ça tient
Rocher froid. Le 1er point est haut. Le rocher est d'une adhérence mortelle. On pose le pied, il tient tout seul. Mais avant d'avoir totale confiance, il faut quelques minutes. On met les mains dans des trous (taffonis) sculptés par l'eau. Cette voie fait 30m, côté 6a, et ça passe avec un gros moral. Le relai est propre, et la vue change toutes les secondes. Une seconde c'est grandiose, l'autre c'est tout blanc. On n'ira pas plus haut aujourd'hui, car la nuit tombe vers 16h30, il fait frais, on est dans la brume, et il y a encore le rappel à faire et le retour vers le col. Voilà un rêve de grimpeur accompli. Je dois revenir par de meilleures conditions. Durant cette journée, spéciale dédicace à Xav le Fauve qui a accompagné chacun de mes pas et de mes mains.
Le thé chaud au retour fut grandement apprécié, puis la bière blanche corse, puis le figatellu, puis, puis...on se dit qu'il va falloir revenir à Bavella et ailleurs. Car en Corse, ça grimpe quasiment partout, du Cap Corse à l'île Rousse, Ajaccio, à Chisa, Restonica et puis tout le long du GR20. Vivement la retraite.
So far, so good