Purple rain
Inutile de vous montrez une photo de la bestiole Bagrada, elle traine quelques pages avant celle-là. Cependant le decorum qui entoure chaque récolte de cette punaise, ça, vous ne l'avez pas, et le decorum du Maroc vaut son pesant de semoule. Mon contact est un Professeur d'entomo d'Agadir, un gars super sympa et super connecté à un portable qui est l'extension de sa main. On le retrouve à Marrakech et on part vers Safi. Safi ça le fait, comme il dit.
1. La côte atlantique est escarpée et peu exploitée pour le tourisme, malgré de belles plages de sable. Les fonds sont houleux et impropres à la baignade.
Bagrada ici vit sur le câprier dont le Maroc est 1er producteur mondial. Incroyable mais vrai. Bagrada est arrivée il y a cinq ans dont on ne sait où, Voilà donc le défi: retrouver son origine. Et pour ça son ADN devrait cracher le morceau.
Les câpriers poussent en arbuste espacés de 5m dans des parcelles séparées par des murs en pierres sèches. Entre les parcelles, des chemins peu carrossables, que seuls les ânes, véritables GPS marocains, peuvent arpenter en tirant des caruelas. Je me crois dans la belle Puglia, au sud de l'Italie. Un soleil au zénith, des ânes sous les arganiers, des oliviers aux feuilles cotonneuses. La seule différence reste les minarets perçant l'horizon, mais voilà bien un détail du lieu.
2. La caruela est certainement le transport le plus commun au Maroc 3. Un caprier au premier pla, une mosquée au dernier, entre les deux, une terre aride pour l'agriculture mais où blés, figuiers, carroubiers, arganiers et capriers survivent au fil des générations.
Nous sommes dans la garrigue profonde, à 10km de Safi. Grâce au Professeur, on est attendus pas la troupe de la future cave coopérative de la câpre. On nous propose à boire, on suggère un thé, arrive un couscous. On s’assoit tous sur de petits tabourets made in china, autour d'un plat king size rempli de semoule muscadée et de légumes cuits style "ça fond dans la bouche". C'est juste délicieux. Il est 15h et il fait chaud. Le village respire la pauvreté. Les jeunes et moins jeunes qui nous entourent sont habillés de guenilles, ce sont tous des gens qui vivent de la terre: blé, fruits, lait et viande de vache, légumes. Le plus ancien, une réincarnation de Benny Hill, arrive en mob.
4. On s'amuse plus avec des tortues qu'avec des punaises 5. L'araire est un modèle linéaire bien généralisée 6. Dream team
Arrive ensuite le sacrement du thé, on rit, on partage des mots, et on part faire la collecte. La bête est fourbe et se cache bien sous les branches du câprier épineux. Mais la récolte est fructueuse grâce à une troupe de choc qui nous suit tout l'après-midi.
Ici, on est dans l'essence des relations humaines. Aucune barrière de communication entre nous. Je repars en voiture, ils repartent à dos d’âne. On est si loin de notre réalité médiatique occidentale qui met en opposition permanente chrétiens, musulmans et juifs. Je suis un étranger non musulman, et je viens jusqu'à eux et ça les touche. Ils m'ont fait entrer dans la petite mosquée, m'ont offert du lait tout juste trait, m'ont donné toutes les Bagradas qu'ils trouvaient, Ils voulaient que je partage un moment de leur vie sans arrières pensées. C'est fait.
Voilà, les câpres c'est fini.
So far, so good