C'est facile, c'est pas facile
La quête est belle, mais quelle est donc cette quête? Menons l'enquête. Il y a des nouveaux parmi les abonnés de ce blog, et je me dois de les mettre au parfum: je voyage principalement pour mon travail qui est de comprendre pourquoi certaines plantes (souvent des graminées) sont invasives en Amérique du nord, et pas chez nous en Europe, leur terre d'origine. Cerise sur le gâteau, je recherche aussi des moyens naturels pour combattre ces espèces nuisibles, et les insectes, les acariens, et les champignons m'intéressent au plus haut point. Ah comme c'est merveilleux. Oui, il est vrai qu'il y a un peu de merveille dans tout ça.
Faire 2500km à travers 4 pays peut paraitre facile, mais ce n'est pas si facile. Déjà, cette année il y a la chaleur, 37°c le jour dans les plaines de Vojvodine du nord de la Serbie. Je vais dans les champs car mes plantes s'y trouvent. C'est la saison des moissons, et tout est jaune, et donc tout se ressemble, surtout les graminées. Nous on en ramasse les graines, pour faire un peu de génétique, et aussi un peu de sol autour des racines, pour en étudier le cortège bactérien, qui est peut être différent de celui de sa voisine. On met tout ça dans notre voiture de loc, et on traverse les pays avec.
1. L'avoine douteuse se met en pot, mais personne le fait, car tout le monde s'en fout, sauf nous 2. Avez-vous dejà cherché une épingle dans une botte de foin? ben voilà ce qu'on fait au quotidien.
Mais il nous faut des contacts dans les pays, car on a pas la science infuse, pour savoir où aller, dans quel champ s'arrêter, quelle région, quelle montagne. Qui mieux qu'un botaniste serbe sait où se trouve une espèce végétale dans son pays? et bien un autre botaniste serbe. Pour cela, j'ai contacté Vera. Elle travaille à l'institut de criminologie et sociologie tout près de la forteresse de Belgrade, et m'a fournit de précieuses infos pour trouver mon avoine douteuse en Serbie.
3. Institut de cri....je vous laisse finir 4. La bibliothèque dont l'odeur à l'entrée est digne des bibli du muséum à Paris; ça vous prend aux tripes et ça doit titiller certains recépteurs puisqu'on a envie d'y rester des heures 5. Le Prof. Jankovic venait ici tous les jeudis entre 9 et 11h30 pour lire la flore de la Pannonie; il posait son feutre sur la table en acajou et son vieux pare-dessus rapé sur un cintre en bois ciré; c'était un homme méticuleux et attentionné à la fois. Personne ne pouvait dire quel age il avait; certains maitres-assistants disaient qu'ils l'avaient toujours vu ici, une sorte de mémoire de l'institut. Un jeudi brumeux de janvier, un matin comme tant d'autres, le cintre ne plia plus sous le poids du pare-dessus.
Le bâtiment où elle travaille est vétuste, date du 19ème, et sans argent pour la science, la façade se délite, s'effrite, se crépite. L'intérieur a une histoire unique. Et je ne résiste pas à vous la raconter.
6. Un grand palais à échelle humaine 7. On devine la courbe du dos d'une femme à la chevelure bien attachée qui laisse tomber un mouchoir qu'un homme à complet trois pièces s'empresse de venir ramasser pour le tendre avec une délicatesse toute balkanique à l'objet de son regard.
Après la deuxième guerre, l'un des directeurs a eu la lumineuse idée pour financer la recherche de son institut d'y installer un night club avec des hommes danseurs nus. Ainsi nuit et jour, le corps et l'esprit travaillaient en alternance dans ce vieux bâtiment. Cela n'a duré qu'un temps. Les stigmates du night club sont encore là, dès qu'on entre dans l'institut. On prend l'escalier à tapis séculaire, on lève la tête sur la coupole en verre superbe dont le chandelier qu'on imagine comme une boule à facettes a rendu l'âme, et d'un seul coup d'un seul, le corps reprend le dessus sur l'esprit.
So far, so good