La cucina povera
Il y a un monde fou à Roma et c'est presque toujours comme ça. Piazza di Spagna, bondée, Trevi, bondée, Colosseo, bondé. J'y passe et puis je fuis. Heureusement, il reste des coins délaissés, car pas ou peu de ruines, et surtout pas marqués dans les guides, car les touristes lisent et suivent les guides. On ne peut pas leur reprocher, mais au final, ils font tous pareils, et si je le sais c'est parce que j'ai aussi fait comme eux. Mais à Roma, j'ai la chance de pouvoir sortir de ces sentiers battus et rebattus. Au final, c'est épuisant quand même ce tourisme de masse.
1. Voilà la fontaine de Trevi, sûrement 500 personnes autour, la police est là pour surveiller (interdit de s'assesoir, de grimper les murs, d'entrer dans l'eau). Cette photo ne me choque pas pour ça, mais pour un point de détail; moi si je m'écoutais, j'irai à un seul endroit sur cette photo, c'est en bas des marches à droite, face à la fontaine, m'asseoir sur le banc, juste là où s'est assis Marcello Mastroiani dans la Dolce Vita; et bien pile à cet endroit sur la photo, il n'y a personne, comme quoi ces gens sont seulement là, car le guide leur a dit "allez là, c'est beau" 2. Encore une qui avait lu un guide, mais on dirait Emma Peal, mais oui c'est elle, décidément elle est partout 3. Piazza di Spagna avec quelques voisins
Le meilleur moment pour aller à Trevi est vers 7h du matin, vous trouverez quelques noctambules alcoolisés, mais pas plus, en espérant qu'ils n'aillent pas s'endormir sur cette banquette en bas à droite des marches. Le colosseo, même combat que Trevi, ce sont des files interminables qui l'entourent. Par contre, il y a un coin où on est peinards pour l'observer, c'est sur un petit banc en bas de la Via della domus aurea ; c'est un petit parc, à l'opposé de la voie des empereurs qui longe le forum. On se pose avec une glace prise pas loin chez Fassi (Via Principe Eugenio), je vous conseille le Fondente (chocolat noir) et la mangue. Attention, là aussi, selon l'heure de la journée, on fait 5' ou 1h de queue. Tout ça pour une glace...Mais une fois le cornet en main, on observe sur son banc les couples et les familles se prendre en selfie avec le Colosseo en fond de carte. C'est drôle.
4. Côté face, le banc est juste là, avec ce couple d'allemands qui n'ont jamais voulu bouger pendant 30mn, mais j'espère que si vous y allez vous leur piquerez la place 5. Côté pile, la famille Simpson
San Lorenzo, c'est le quartier où il est bon d'habiter à Roma, à seulement 15' de la stazione Termini, à 10' de la station de métro, Vittorio Emmanuele. Pas ou très peu de touristes, à deux pas de l'université de la Sapienza, il est riche en étudiants, et donc en bruit. Ce quartier fourmille de bars et de restos pour tous les palais. Comme à Napoli, ici on trouve des abâts à foison, en plat principal, comme la Coratella ai carciofi, ou en assaisonnement comme les rigatoni alla pajata. La pajata est l'intestin grêle du veau. On est dans la Cucina povera (cuisine pauvre) du Lazio qui use des parties délaissées des animaux pour les incorporer à de la tomate pour faire une sauce exquise. Les rigatoni sont des pâtes qui se marient bien à ça, car elles incorporent la sauce dans leur cylindre. Quant à la Coratella, autre elément cardinal de la cucina povera, est un mélange de tripes, rognons, coeur, foie etc. C'est ce qu'on appelle le 5ème quart de l'animal, ce qui reste quand la moitié antérieure, et la moitié postérieure ont été vendues. Il reste "l'intérieur". Coratella vient de Corata, pas le village de Puglia, mais les entrailles des gros animaux (vache, cochon, mouton), alors que Coratella concerne celle des petits animaux (agneau, lapin, oie). Comme c'est la saison, la coratella de mars s'agrémente d'artichauts revenus dans la sauce. Un délice aux papilles. Un endroit pour la goûter est la trattoria dei colli emiliani (https://www.colliemiliani.com). Un lieu simple, des plats à 10€, un vin de la casa, et des nappes sur les tables. Je ne demande pas plus. Je ne suis pas tombé ici par hasard mais grâce à François-Régis Gaudry, le chroniqueur culinaire de France Inter. Merci à lui.
6. Et une coratella, une 7. C'est ici qu'il faut aller, une cantine comme on aime, peu de tables, mais on sent l'ambiance familiale et la cuisine qui va avec
Si il vous reste un peu de place, après les rigatoni, la coratella et il gelato, approchez vous avec délicatesse de la pâtisserie Regoli (Via dello Statuto, 60), pour goûter au "maritozzo alla panna". ce n'est pas un étouffe chrétien mais une pâtisserie briochée remplie de crème fouettée. Les Regoli sont établis ici depuis plus de 100 ans et font ces pâtisseries romaines depuis des décennies (mais ne sont pas les seuls). Cette brioche tire son nom du futur mari qui offre à sa future épouse ce gâteau le 1er vendredi de mars. Joli cadeau et jolie promesse. C'était à l'origine une brioche du carême (février-mars), mais avec son succès (surtout par la presse et les guides étrangers), on en trouve toute l'année. Ce serait bien que les étrangers fassent pression pour qu'on ait la galette des rois toute l'année aussi.
So far, so good
8. Ce jour là, pas trop de monde, mais je pense qu'il faut éviter le week-end 9. Le maritozzo est à droite, vous sentez cette crème légère peu sucrée et fondante dans la bouche? 10. Là, je ne vais pas vous le traduire, mais imaginez le sentiment qu'on a après quelques jours baignés dans la cucina italiana