Je ne me renseigne jamais sur un lieu à visiter, à part les horaires d'ouverture quand il faut payer. Là, je voulais découvrir La Canée (Xania), 2ème plus grosse ville de Crète. Je me gare dans une ruelle, au hasard, puis je marche en suivant le gps qui m'indiquait le port. De jolies ruelles piétonnes. La nuit est en approche mais il fait encore jour. Soudain, je sors d'une ruelle et ce que je vois m'espante. Face à moi, un port vénitien, l'eau est à fleur, les boutiques et restaurants se bousculent dans cet arc de cercle, au fond, un phare du XVIème me nargue. Je me sens tout petit, tellement le lieu est riche d'histoire. Les bâtisses vénitiennes rivalisent avec les hammams ottomans. On entre dans une ruelle, qui amène à une autre, c'est un dédale où se perdrait le Minotaure. Je m'y perds avec délectation. Mais le touriste est là et envahit tout l'espace.

Je pars au bout de la jetée pour m'approprier Xania. j'entends alors une petite musique qui sort de dessous un toit. Un jeune assis sur son trépied joue de la lyre crétoise (lyra), un instrument de musique à trois cordes à archet. Je laisse quelques pièces, on se cligne de l'oeil. Personne ne s'arrête parmi les touristes. Seule une petite veuve âgée, toute vêtue de noire, sûrement une crétoise, ou bien une italienne, ou bien une espagnole, bref une Méditerranéenne catholique, s'en approche d'un pas sûr et laisse cliqueter de la monnaie dans la sacoche de lyre. A part, la taille, le sexe et l'age, elle et moi partageons les mêmes valeurs: seul l'art peut sauver le monde.

Je pars donc sur "la route" en écoutant la chanson éponyme d'Arthur H, un chef d'oeuvre. Cette route me mène vers le sud. C'est marrant comme dire le sud est bien plus enchanteur et poétique que dire la route du nord. Pourtant aller en Islande, à Dunkerrrrque, à Besançon, depuis Montpellier, n'est pas moins enchanteur et poétique, hein? Sûrement un truc qui a à voir avec des histoires de parisiens. Bref, depuis Xania, la route monte doucement depuis la mer, et traverse des villages ruraux emplis d'oliveraies. On est en période de récolte, et les sols se colorent d'orange. Les arbres sont claffis d'olives de toutes tailles. La Kalamata est ici la reine. Puis les oliviers s'arrêtent vers 800m, une constante en écologie agricole, et le relais est pris, brièvement par les châtaigniers. Les bogues sont au sol, l'automne est là, même si les plages regorgent de plagistes. J'arrive vers 1000m et la mer se dessine au loin. Mes plantes ont disparu comme les oliviers.

Un détail qui a son importance en Crète est la conduite. Il y a très peu de routes à 4 voies et pour cause, ici on double partout, même avec des doubles lignes blanches, mais il faut connaître la technique. Quand on roule plus lentement que son poursuivant, on se décale à moitié sur la bande d'arrêt d'urgence. Là, le gars devant vous envoie un message, et on double, peu importe qui vient en face. Si ça passe, ça marche. C'est imparable. Autre petit détail, le parking. En Crète, on a envie de s'arrêter, on s'arrête, au bord de la route, peu importe si ça gène. D'ailleurs cela gène qui? Tout le monde contourne, patiente, sans un brin de klaxon. Cela a eu le mérite de m'énerver, mais je m'y suis fait. En Crète on patiente sans rien dire. J'ai beaucoup à apprendre de l'art de vivre crétois

So far, so good