Sylvia erre au petit matin dans la douceur romaine en cherchant son Marcello, puis tombe d'un coup sur la fontaine de Trevi où elle ne va pas tarder à s'y tremper. Marcello, perdu dans ses pensées, perdu dans sa vie, tourne soudain la tête et aperçoit Sylvia (Anita Ekberg) baignée par les eaux purificatrices des statues de la prospérité et de la salubrité. Puis l'homme le plus classe du monde l'a rejointe, et cela donnera une scène d'une beauté incroyable.  Federico Fellini sort ce film en 1960, et la face du cinéma en est changée. Tous les protagonistes sont morts depuis, sauf une, Anouk Aimée, qui du haut de ses 91 ans doit avoir beaucoup à raconter, car elle a aussi joué dans 8 et demi de Fellini.

Fellini est l'âme du cinéma italien et aussi un peu de Roma avec la Dolce vita, le film éponyme Roma et 8 et demi. Mais Fellini est aussi le réalisateur qui passa par les studios de Cinecittà, ce lieu de fabrication du cinéma mondial qui a accueilli pas moins de 3000 films depuis sa création en 1937 et tristement inauguré par Mussolini. Tant d'acteurs et de réal' sont passés par ici, Scola, Leone, Visconti, mais aussi Scorsese, Coppolla. Mais Fellini restera celui qui rapportera une palme d'or à Cannes, un Lion à Venezia, et quatre oscars. Cinecittà est au bout de la ligne 1 de métro. On y partait avec des lumières dans les yeux, en se disant qu'on allait voir des studios, des scènes bloquées dans le temps de tous ces films des années splendides du cinéma italien. Et puis rien, les projecteurs se sont éteints d'un coup en entrant, en se rendant compte qu'on ne peut pas accéder aux studios, que le visiteur a juste accès à une exposition (très bien faite, comunque) et à quelques décors en carton pâte distillés dans le parc d'entrée. Car des 60 hectares de Cinecittà, on ne voit presque rien.

Passée cette désillusion, il faut dire que l'expo proposée vaut quand même le détour, car c'est interactif, avec des sons, des vidéos des films, des costumes, des photos de toute cette époque flamboyante de Cinecittà en noir et blanc. Même les films se situant dans Roma sont tournés à Cinecittà, comme des rues, des bâtiments, des ruines romaines reproduits à l'identique. Bref, tout un pan du cinéma que l'on n'imagine toujours pas. Je ne peux m’empêcher de vous livrer cet extrait du film de Jim Jarmush, Night on earth, sorti en 1991 fait de saynètes dans les capitales du monde, avec un taxi driver comme héros. A Roma, c'est le fantasque Roberto Benigni, c'est une scène d'anthologie pour moi, il y a la folie du gaillard dans son interprétation, l’enchainement des mots en italien, et la déconfiture de l'évèque à l'arrière au fil du monologue.

En 1989, soit 8 ans avant La vita è bella, Benigni a tourné avec Fellini, son maître, mais il doit l'être pour beaucoup. A la fin du film (La voce della luna), lors de la projection privée, Benigni en sort bouleversé et écrit ces mots à son maître

Ce qui a popularisé Cinecittà et Roma aux yeux des américains, c'est le célèbre film "Vacanze romane" ou "Roman holiday", avec Gregory Peck et Audrey Hepburn en 1953, réalisé par William Wyler. La scène mythique de la ballade en Vespa (qui parlera à certain/e...) est présentée dans une pièce de l'expo.

Il parait que dans le passé, on pouvait entrer dans les studios, et il parait aussi qu'ils sont en train de rénover le lieu. Bref, on n'en saura pas plus. Juste dire, qu'entrer par la porte principale, permet de mettre un pied dans notre passé collectif, un passé révolu certes, mais qui reste imprimé sur la pellicule avec de temps en temps des restaurations comme La Dolce Vita le fut en 2010. Mais ne tombons pas dans la nostalgie, le présent est bien là, et vivons le avec une bonne glace à l'italienne. Là s'arrêtent les vacances romaines, à bientôt pour de nouvelles aventures.

So far, so good