On parle, on parle, mais je ne vous ai pas dit pourquoi j'étais là. Bien sur la récolte de peau de croco et autres gators restent ma priorité pour vous offrir ceintures et portefeuilles à Noël, mais j'avoue que j'ai quelques velléités à m'attaquer à ces bêtes avec mon opinel. Donc l'autre raison, toute aussi noble et d'étudier des plantes. La principale est la cogongrass, introduite en Floride et aux alentours, elle pullule carrément au bord des forêts et commencent à être problématique pour la gestion de celles-ci. Avec mes deux collègues US et australien, on a donc parcouru 2200kms entre New Orleans (Louisiane) et Fort Lauderdale (Floride) pour la récolter dans la nature, afin d'étudier plus tard son ADN, et savoir un peu mieux d'où elle peut venir. Quand j'étais en Egypte en mars, j'ai fait pareil. Cela fait une centaine d'années qu'elle a été introduite ici à la fois pour fixer les dunes mais aussi comme source de fourrage.

Voyager avec des collègues qu'on connait peu est une bonne raison pour mieux les connaitre. Ce fut le cas avec Dean et Greg. Sept jours à plein temps, matin midi et soir, ça permet de savoir où l'on va. On s'est bien entendus. Je conduisais, je mettais la musique et on s'arrêtait dès qu'on voyait notre graminée. Le soir, un plat de pork ribs, d'huîtres ou un bon steak, attention surtout ne pas manger de légumes aux US, c'est péché. La journée on roulait donc, et parfois en bord de route, on était accosté par des locaux un peu curieux, mais toujours bienveillants. Une fois, le gars pensait qu'on était en panne, il s'arrête, on lui explique qu'on est du Ministère de l'agriculture et qu'on récolte cette plante, et en fait il connaissait bien le sujet, la discussion fût nourrie. A l'arrière de son gros pick-up, une glacière pleine de glace et de boissons qu'ils nous proposent. Puis il repart.

Après ce périple d'une grande richesse, je suis resté au labo à Fort Lauderdale, situé à 15km de l'océan Atlantique. J'en ai profité pour donner un séminaire à l'Université de Floride et surtout de montrer à l'équipe de mon collègue Greg, comment on prépare des insectes. Une bande de 6 jeunes de 25-30 ans, qui débutent leur carrière en entomologie avec la soif d'apprendre. ce fût une belle après-midi d'échanges.

Moi je dis oui à toutes les propositions, car on ne sait jamais quand l'opportunité se reproduira. Alors quand on me propose de partir une journée sur un airboat, banco. Un airboat est une barque plate en métal avec un énorme ventilo à l'arrière. C'est très populaire dans les Everglades de Floride pour aller voir les gators. La proposition était tout autre puisqu'il fallait aller installer des barrières sur l'eau pour encercler des plantes en vue d'une expérimentation sur une autre plante invasive, la jacynthe d'eau, très jolie au demeurant. Départ à 6h30, en direction du lac Ocheechobee. Je ne sais pas trop à quoi m'attendre mais je suis. Il y a Seth le chercheur-pilote, Meghan la postdoc sud africaine, Anthony l'assistant et moi. On met son gilet de sauvetage, un casque connecté sur les oreilles (car le ventilo fait un bruit pas possible), et on monte à bord. En longeant les berges du lac, on voit de gros hérons et des alligators qui plongent de peur. Au fil des jours ici, les gens me racontent vraiment que ces gros bestiaux sont inoffensifs et qu'ils ont même nagé au milieu d'eux sans qu'ils ne soient inquiétés. Je veux les croire (ils sont en vie) mais je suis si dubitatif.

Quand on fait connaissance avec un américain, soit il vous parle de sa famille, soit de ses animaux. Comme Anthony n'a pas d'enfant, il m'a montré la vidéo de ses chats jouant ensemble. Comme Meghan n'a pas d'enfant non plus, elle m'a montré son chien qui joue avec un hochet siffleur. Comme moi je n'ai pas d'animaux, je leur ai rien montré, mais j'ai fait celui qui s'intéressait. Arrivés sur le lac à la vitesse de 30km/h, on a installé cette grosse ceinture autour des plantes aquatiques. Le but est de protéger les plantes en cas d'ouragan, ce qui n'est pas sûr que ça marche quand on voit la  force de ceux-ci ici. On a mis 2h à installer le bazar. Il leur en reste 35 à mettre pour leur expérience, je trouve ça plutôt ambitieux, mais chacun ses problèmes. Moi j'ai passé un bon moment, et j'ai même pas eu peur de tomber à l'eau, surtout depuis que je sais qu'on peut nager à l'oreille des gators.

So far, so good